1. Renforcer le sentiment européen
Le concept de jumelage est né au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans une optique de réconciliation des peuples. En 1950, la commune de Montbéliard (Doubs) pose les bases d’un partenariat historique avec Ludwigsburg, dans le Bade-Wurtenberg, en Allemagne. Ce rapprochement est impulsé par le maire de la ville, Lucien Tharradin, ancien résistant et déporté, qui est convaincu qu’il faut tendre la main à l’ennemi d’hier.
Rapidement, le jumelage devient un outil de la construction européenne. En 1951, cinquante maires fondent le Conseil des Communes d’Europe (qui deviendra le Conseil des Communes et Régions d’Europe). Ensemble, ils promeuvent des liens d’échange et de coopération entre les municipalités, introduisent l’idée d’une Europe des citoyens, et créent le nom de jumelage.
« Un jumelage, c’est la rencontre de deux communes qui entendent proclamer qu’elles s’associent pour agir dans une perspective européenne, pour confronter les problèmes et pour développer entre elles des liens d’amitié de plus en plus étroits », affirme l’Association française du Conseil des Communes d’Europe. Grâce à cet acte politique fort, les élus locaux entendent poser les bases d’une construction européenne dont le dialogue entre les citoyens serait le principe fondateur.
En 1963, le général de Gaulle et Konrad Adenauer signent le traité de l’Élysée, qui officialise le rapprochement franco-allemand. Cette même année, plus de 120 jumelages entre la France et son voisin outre-Rhin sont recensés. En 2019, Emmanuel Macron et Angela Merkel réaffirment la puissance des jumelages comme outil de la coopération franco-allemande dans le traité d’Aix-la-Chapelle.
2. Tisser des liens d’amitié
Les notions de partage, d’amitié et de compréhension mutuelle sont au cœur des projets de jumelage.
En 1951, Jean-Marie Bressand, figure de la Résistance, crée l’Association du Monde Bilingue, qui promeut l’éducation bilingue comme élément de compréhension entre les peuples et instrument de paix. En 1957, elle devient la Fédération Mondiale des Villes Jumelées. Dans sa charte, elle définit le jumelage culturel comme « le lien qui unit, dans un esprit d'égalité et de réciprocité, des populations entières de deux ou plusieurs pays différents en vue de favoriser le contact des personnes, l'échange des idées, des techniques, des produits. Il est un instrument de culture populaire et de formation civique internationale ».
Un jumelage vient sceller une envie de travailler ensemble, le plus souvent en coopérant dans le domaine de la culture, du tourisme ou de l’éducation. Il repose sur un double engagement : celui de la collectivité, et celui des habitants. Pour être fructueux, il doit s’ancrer dans la réalité quotidienne des citoyens. C’est la raison pour laquelle ces derniers doivent être largement associés au projet, que ce soit directement ou par l’intermédiaire d’associations sportives, sociales ou culturelles :
- Échanges de collégiens et de lycéens durant l’année scolaire pour favoriser l’apprentissage des langues étrangères, ou de stagiaires pour des jobs saisonniers ;
- Organisation de voyages à l’occasion d’événements particuliers, rencontres de clubs musicaux ou sportifs ;
- Déplacements de salariés pour s’imprégner des bonnes pratiques. Ainsi, des fonctionnaires territoriaux de Vitry-le-François (Marne) se sont rendus en Allemagne pour observer les méthodes de travail de leurs voisins ;
- Tenue de colloques ou de conférences.
3. Développer la coopération économique
Si les plus petites communes espèrent avant tout tisser des liens d’amitié à travers le jumelage, les métropoles visent souvent une coopération économique. Ainsi, Marseille s’est rapprochée de Shanghai, deuxième ville chinoise, en 1987. Avec cette alliance, la Chambre de commerce et d’industrie de Marseille-Provence a noué des liens étroits avec la mission économique de Shanghai afin de favoriser le développement des entreprises marseillaises sur le marché chinois. Depuis, de nombreuses entreprises chinoises se sont implantées dans la cité phocéenne.
4. Partager des intérêts communs
Les intérêts communs font les plus beaux jumelages. Ainsi, la ville de Limoges, célèbre pour sa porcelaine, s’est rapprochée de deux capitales de la céramique : Seto, au Japon, et Icheon, en Corée du Sud. Un choix logique qui lui permet de développer des synergies autour de cet artisanat séculaire comme des conventions ou des expositions.
5. Construire un projet solidaire ou humanitaire
Cette forme de jumelage est apparue dans les années 1970, favorisée par l’accès à l’indépendance des anciennes colonies africaines, et l’émergence du Tiers-monde sur la scène internationale. Ces rapprochements visent à établir une nouvelle forme de coopération « Nord-Sud » privilégiant les rapports humains. Depuis la fin des années 1980, de nombreux jumelages sont réalisés dans le cadre d’une coopération humanitaire. Il s’agit d’apporter une aide matérielle, financière mais aussi technique en mobilisant des compétences au service des populations locales.
À titre d’exemple, on peut citer le rapprochement entre Le Blanc-Mesnil et Debre-Berhan, en Ethiopie, visant à développer un programme d’accès à l’eau potable, ou le jumelage entre Brest et Saponé, au Burkina Faso, qui s’est traduit par la création d’un laboratoire d’analyses biologiques et d’un centre de transfusion sanguine.
Quel avenir pour les jumelages ?
Selon l’étude menée par l’Institut franco-allemand, si toutes les générations se sentent concernées par les jumelages, seuls 23% des participants à des échanges ont moins de 30 ans, et 40% ont plus de 60 ans. Les jumelages souffrent parfois d’une image un peu « vieillotte », qui pousse les communes à remplacer le terme par celui de « partenariat », jugé plus moderne.